Dehima

DEHIMA : C’est une religion née en Côte d’Ivoire, précisément dans un village de Lakota où, chaque année, des fidèles viennent en pèlerinage en souvenir de la fondatrice.

GAGOUE EST POUR LES ADEPTES DU DEHIMA CE QU’EST L’ARABIE SAOUDITE POUR LES MUSULMANS.

PRIER SUR LA TOMBE DE LA PROPHETESSE, UNE BENEDICTION POUR LES FIDELES.

Gagoué. La rumeur publique qui ne s’embarrasse pas de nuances, fait de ce village, un lieu de tous les mystères. Comment est Gagoué, terre sainte pour les adeptes du Déhima ? Ce qu’est l’Arabie Saoudite pour les musulmans ou Vatican pour les catholiques ?

Comment vit, en dehors du pèlerinage, ce village dit berceau de l’église Déhima, une religion sur laquelle on dit tant d’ignominies ? En effet, pour les uns, c’est une secte. Pour les autres, c’est une religion où l’on pratique la sorcellerie.

Comment cette religion a-t-elle vu le jour. Qui était Bagué Wlonyo qui en était la prophétesse dont la tombe constitue une curiosité pour les fidèles qui y viennent se confesser, prier, où les désillusionnés se redonnent espoir…

Jeudi 19 février 2009. Nous partons pour Gagoué. Nous voulons, à l’instar des pèlerins, prier sur la tombe de la prophétesse. Il était 11h 35mn lorsque notre équipe de reportage arrive à Lakota. Nous sommes à 25 km de Gagoué, nous apprend-on. Sur une piste. Gbahiri est le nom du premier village que nous découvrons. De là, nous sommes allés à Neko, le village de feu le ministre Boga Doudou. Suit après Moussadougou. La route est peu ou prou praticable. A 12h 25mn, nous voici à Gagoué. Il faisait un soleil de plomb. La chaleur était suffocante.

Dès que vous arrivez au milieu du village, le drapeau Orange- Blanc- Vert de la Côte d’Ivoire flotte dans une cour dont les murs sont peints en blanc. C’est le camp du Déhima. Il n’y avait personne lorsque nous y arrivons. Un jeune, Dago Ange Roméo Mahi, petit fils du responsable du temple vient vers nous. Il nous apprend que son grand-père est allé à Niambézaria, chef-lieu de sous-préfecture. C’est à un kilomètre de Gagoué. Nous allons le chercher. Son nom : Dakouri Gnanangbé Fidèle. C’est lui le chef suprême Déhima, à Gagoué. Il est né vers le 12 décembre1934. Il était avec sa femme Zakoua Odé Bertine.  

Revenus au temple du Déhima, notre hôte exige qu’on fasse appel à un agent de la Satmaci à la retraite, Soko Gnamba, pour nous demander les nouvelles. Arrivé quelques minutes après, celui-ci, visiblement fatigué, tomba vite dans les bras de morphée. La traduction sera alors faite par un collaborateur du chef suprême Déhima, Dago Mathurin. Il est prédicateur. Nous pouvons alors commencer l’entretien. En présence de plusieurs personnes dont le neveu du chef suprême, Zatto Gnamké Hubert et Mamadou Compaoré. Fidèle Déhima, ce dernier joue un rôle bien précis au niveau de l’église : taper la cloche. Dans le langage propre au Déhima, on l’appelle « Aladja ».

La naissance de l’église en pays Dida. C’est par ce sujet que nous entamons notre conversation. Le vieux, pardon le chef suprême, Dakouri Gnanangbé nous fait cette révélation : « Le Déhima est né pour briser toutes les manœuvres maléfiques, sataniques, diaboliques, démoniaques, de sorcellerie, d’envoûtement dont usaient les esprits malins ». 

Le chef suprême affirme qu’aux temps coloniaux, il y avait, dans la région de Lakota et même partout ailleurs, des gens qui adoraient des fétiches. Ceux-ci avaient des interdits on ne peut plus insupportables. Des exemples : certains détenteurs de ces fétiches ne voyaient pas une femme en grossesse. D’autres, par contre, ne voyaient pas les cheveux des femmes, des nouveaux nés. Ces victimes mouraient, de façon effarante. Autrefois, il était impossible d’aller de Gagoué à Niambézaria. A cause des sorciers qui, selon lui, se transformaient en panthère de jour comme de nuit, pour dévorer leurs proies qui ne sont autres que des êtres humains. Dakouri Fidèle se veut très précis : « La sorcellerie faisait beaucoup de victimes ».

Ainsi, Dieu envoya Bagué Wlonyo. Pour combattre la sorcellerie. Celle qui deviendra plus tard la prophétesse Déhima, naquit le 10 août 1892, à Gagoué. De Gnako Djigba et de Gbaleka Attehon. Toutefois, notre guide spirituel signifie que l’écriture n’étant pas encore vulgarisée à cette époque dans la région, cette date était indicative. Loin donc de la réalité. Peu importe !

A Gagoué, il n’y a pas meilleur interlocuteur que Dakouri Fidèle, le chef suprême Déhima. Il fut, en effet, élevé, selon lui, par la fondatrice de ladite église. « Bagué Wlonyo était une femme de taille moyenne et de teint noir», nous a-t-il relaté. Avant d’ajouter ce détail plein de sens : «Elle avait une cicatrice sur sa joue. Ce qui montrait qu’elle était venue pour servir Dieu».

Toute petite, Bagué Wlonyo fut conduite chez un féticheur par ses parents qui la trouvaient différente des autres personnes. Ils avaient peur. Une fois chef le féticheur, ils sauront que leur fille était venue avec un esprit salvateur, un don de Dieu. Ce féticheur et bien d’autres recommandent toutefois aux parents de ne jamais donner leur fille en mariage. Cela ne sera pas respecté par les siens. Voyant leur fille en âge de puberté, ils lui en donnent un mari. Son nom : Kpetché N’Guessan. C’était à Souamanin, un village de Fresco. Le mari de Bagué Wlonyo était de la famille Lagakou Kpayoué.

De cette union, elle n’a pas eu d’enfant. Mais le hic, c’est que les prescriptions de Dieu n’ayant pas été suivies (ne pas donner la fille en mariage), une panthère est sortie un jour de la brousse pour arracher le mari. En absence, dit-on, de la mariée, qui est allée rendre visite à une camarade, dans le village. Les parents ont multiplié les recherches, en vain. Le mari de Bagué Wlonyo est resté, jusqu’à ce jour, introuvable. Le premier est mort. Dans la même famille, on lui en trouve un autre. IL s’appelle Beugré Lobé. Cette fois-ci, Bagué Wlonyo a opposé son veto. Ou du moins, elle a suivi le refus des esprits qui l’habitaient. Ainsi, elle vivait seule, allait au champ, cultivait du riz…

Bagué Wlonyo était devenue, par la suite comme une folle. Elle ne se lavait pas. Tout le monde la fuyait, la détestait. Elle continuait cependant à vaquer à ses occupations champêtres. Elle ressemblait plus à un homme qu’à une femme. Un esprit lui, de façons répétées, de dire le nom de Dieu et de prier. Appliquant cela à la lettre cette fois, les gens ne la reconnaîtraient plus. Parce qu’elle monologuait. L’esprit qui lui parle lui demandait de dire au dernier mari qu’elle a refusé de faire une table et la couvrir de drap blanc, sur laquelle elle devra mettre une clochette. Hésitante au départ, elle a fini par transmettre le message à Beugré Lobé qui l’aida à installer ses objets. Ainsi, elle commença à prier. Elle demanda aux et aux autres d’envoyer leurs fétiches pour qu’elle les brûle, au nom du Seigneur Jésus Christ. Au départ, les gens opposèrent un refus catégorique à sa demande. Mais, soutenu ou ointe par Dieu, elle persévérait. Elle aura par la suite gain de cause. Les fétiches sont envoyés à Bagué Wlonyo. Qui les brûlait. Mieux, les féticheurs et autres mangeurs d’âmes venaient se confesser. Les mauvais esprits sont chassés. Grâce à sa prière.

De retour à Gagoué, après quelques années de mariage…forcé, Bagué Wlonyo s’est mise, entièrement, au service de Dieu. A travers la religion qui lui a été confiée : le Déhima. Dont l’une des caractéristiques est l’eau. « Dieu a donné une puissance à l’eau. Dieu nous demande de prier sur l’eau en prononçant son nom ».

Mais, attention, le Déhima, selon les responsables, est une religion bien organisée, contrairement à ce que l’on pense. Ici, le « Pawaba », (c’est en Godié, une langue locale qui veut dire celui a le pouvoir) l’équivalent de pasteur, peut prier. Il cite Dieu, avec foi, et les prières des uns et des autres sont exaucées.

Le « Déhimaba », est celui qui est auprès du canari d’eau. Après chaque séance de confession, il lave et prie pour le concerné. Viennent après les prédicateurs et les « Lézés », qui veut dire commis. C’est lui qui assure le secrétariat.

Quelques années après la mort de la prophétesse le 24 janvier 1951 et son enterrement le 25 du même mois et de la même année, les « Pawaba » dont Denis Kouamé de Divo, Akonté Kokora de Fresco et Vagba Dali de Gagnoa, ont décidé de se retrouver, chaque année, pour prier pour son âme. Plus qu’un moment de recueillement, c’est une occasion pour les fidèles qui viennent de tous les coins du pays, pour se confesser, demander à Dieu, par le truchement de la prophétesse dont la silhouette, bien que décédée, permet encore, de résoudre leurs problèmes : mariages, emplois, maladie, enfants, etc. Les cas diffèrents les uns des autres.

Cette année, le 35^ème pèlerinage de l’église Déhima a eu lieu, à Gagoué. Ce petit village de quelques 600 âmes a accueilli plus de 10.000 pèlerins. La place Déhima refusant du monde, d’autres fidèles vont dormir, tous à la belle étoile, à Niambézaria. Ils reviennent à Gagoué tous les matins. Pour la prière spéciale dite par le chef suprême, Dakouri Fidèle. Sous l’inspiration de la prophétesse Bagué Wlonyo. Un mythe. Une femme mythique. 

Chacun se nourrit, se transporte. Pour ces fidèles, la route pour louer Dieu n’est jamais longue. Une édition vienne de s’achever. Une autre, celle de janvier 2010 se prépare. Ils seront encore nombreux à prendre d’assaut Gagoué. Un village qui aspire à l’eau courante, au bitumage de la route qui y mène, à la construction des maisons pour recevoir les pèlerins…et au renforcement de l’électrification.

Car, pour le chef du village de Gagoué, Agoumo Gbogbou, « le Déhima est une église qui porte bonheur aux gens ».

Selon le chef suprême, tout le monde peut être fidèle Déhima. Tout en sachant que les vendredis, il ne doit pas manger de la viande. Explication : « Jésus fut tué un vendredi. Tu ne peux pas être en train de pleurer ton père et manger un plat de viande. C’est comme si tu es en train de manger la chair de ton père », dit l’héritier de la prophétesse.

L’homme fait remarquer le port des chaussures est interdit dans les églises Déhima tout simplement parce que le fidèle se considérant comme pécheur, doit se soumettre au père céleste.

EMMANUEL KOUASSI

(ENVOYE SPECIAL A

les crimes rituels

DOSSIER SUR LES CRIMES RITUELS.

CRIMES RITUELS : Un phénomène totalement émouvant qui se déroule ici et là en Côte d’Ivoire mais l’on en parle peu ou presque jamais. Et pourtant, ses conséquences sont grandes.

La langue d'un être humain pour faire des sacrifices. Triste réalité.

CES PERSONNES QUI UTILISENT LA LANGUE, LA TÊTE OU LES ONGLES DES MORTS POUR S’ENRICHIR.   

Le crime. En droit, c’est le fait de donner la mort ou d’ôter la vie à quelqu’un. Il est, par conséquent, considéré comme un homicide, un acte prémédité.

Et le crime rituel? C’est un crime qui est commis sur la base d’un certain nombre de pratiques, soit traditionnelles ou religieuses, soit culturelles ou mystiques. Dans tous les cas, le crime rituel, est commis dans le but d’utiliser une partie de l’organe du corps humain, pour des sacrifices ; ou, tout simplement, pour des rituels. C’est, malheureusement, à cette pratique que s’adonnent certaines personnes pour, selon plusieurs interlocuteurs, devenir riches. Leurs principaux conseillers : les marabouts ou féticheurs. A chacun son marabout ou féticheur. Souvent, paradoxalement, ce sont les mêmes. Qui exigent la tête, la langue, le sexe, les ongles…le cœur ou les cheveux de l’être humain, femme comme garçon. Pour préparer la potion…magique. Le plus souvent, les personnes convoitées sont les albinos et les handicapés physiques.

Quelques faits. A Bouaké, le quartier Broukro a été, dans la nuit du lundi 7 au lundi 8 janvier 2002, le théâtre d’un évènement insupportable : Koffi Kouamé Victor, un photographe  handicapé physique, né le 9 juillet 1967, a été tué dans son atelier, sis au 3^ème arrêt de Gbaka. Son corps a fut retrouvé quelque temps après, dans une maison inachevée, non loin de l’atelier, les bras sectionnés, le ventre ouvert. Chose curieuse, le cœur n’y était pas.

En octobre 2008, à Abidjan, précisément aux Deux- Plateaux Vallon, un albinos, du nom d’Issa, a été retrouvé mort, sans langue ni sexe. Une autre découverte macabre, cette fois à Abobo Pk 18, courant mars 2009. Le corps sans vie d’un jeune homme, prénommé Dramane. Son cou, sa tête et ses ongles ont été emportés.

Qui sont les auteurs de ces actes d’une extrême gravité. Nous avons décidé de suivre les traces de ces tueurs que certains ont vite fait d’appeler les coupeurs de têtes ou vendeurs d’organes humais.

Nos investigations nous amènent à la police judiciaire (Pj). Notre premier interlocuteur est le Commissaire Téhé. L’officier de police à qui nous exposons le sujet ne semble croire aux crimes rituels. Selon lui, ces faits sont beaucoup plus dans l’imagerie populaire que dans la réalité. Et, avec boutade, il nous dit que son fils lui a dit un jour qu’on tue les gens et on coupe leurs tête, langue et sexe, etc. Et l’officier de police de répondre à son enfant : «Dans ce cas, ne sors pas». Fiats irréels ? Si le sous directeur des enquêtes criminelles, le Commissaire Baï n’a pas, depuis huit mois qu’il est à ce poste, eu à travailler sur un tel dossier, il reconnaît toutefois que ce sont des choses qui se produisent, de façon périodique. Surtout, fait-il remarquer, à la veille des élections.

A la brigade de gendarmerie, aucune trace des coupeurs de tête, de langue, de sexe…

Un homme sauvagement tué par d'ignobles individus .  

Nous poursuivons nos investigations. Direction : Anyama où nous rencontrons, Mlle Sandrine B, grâce à un ami. Après mille et une difficultés, nous avons obtenu d’elle l’explication de sa mésaventure. C’est tout simplement émouvant. Nous sommes en juin 2002. Un soir, son copain, un certain Traoré vint la chercher, en voiture. La jeune fille pensait au plat de poulet Kédjénou ou du poisson braisé qu’elle allait manger. Puisqu’elle n’était pas à sa première sortie avec son gars. Mais ce jour-là, c’était une véritable chausse-trappe. En effet, arrivé à Gesco, à Yopougon, aux environs de 23 heures, au lieu de se diriger dans un maquis, c’est plutôt la route de Dabou que son homme prend. Et Sandrine B de lui demander où il l’amène. Mais l’homme fait la sourde oreille. Avant Songon, Traoré ralentit. Et, il commence à siffloter. Ensuite, il descend de la voiture et s’éloigne un peu d’elle. Sandrine dit qu’elle entendait des chuchotements inquiets. Une seule chose, en ce moment précis, lui restait à faire : prendre la tangente. Ainsi, de sa cachette, dans la broussaille, elle entendait, selon elle, son copain, revenu sur ses pas, discuter, chaudement. «Ah, non ! Tu ne vas pas nous faire cela. On te donne trois millions pour avoir la tête d’une fille et tu es capable d’honorer ton engagement. On va te tuer à la place de cette dernière… », raconte- t- elle, les deux mains tendues vers le ciel, pour remercier Dieu. Car, ayant échappé, à cet assassinat, c’est son copain qui a été assommé. Par ses propres complices qui lui ont coupé, affirme-t-elle, la langue.

Dans un village de Dabou, une source bien introduite nous indique qu’un taximan, braqué, a été tué, ses testicules et le penis emportés.

A Abobo, Patricia K a échappé, en 1996, à une tentative d’assassinat. Une amie à elle, prénommée Florentine, était venue la voir pour lui demander de l’accompagner chez des amis qui l’avaient invitée. Ainsi, de Abobo Sagbé communément appelé «Derrière rail», les deux jeunes filles se retrouvent au quartier Bc, toujours à Abobo. Trois hommes les accueillent et les amènent, selon Patricia K, «dans un coin bizarre». Un véritable coupe-gorge. C’est-à-dire un passage isolé où l’on risque de faire assassiner. A bord d’une Peugeot 205. Présentés par Florentine comme étant des policiers, ces trois hommes n’étaient en réalité, selon elle, que des gens peu recommandables. Intelligente, Patricia a usé de subterfuge pour avoir la vie…sauve. Elle apprendra, plus tard que ces hommes n’étaient que des…coupeurs de tête.

Konan Metty est un cadre de Bouaké, bien connu dans la région. Pour lui, les crimes rituels dont il croit en leur existence, sont à condamner, avec la dernière énergie. Ceux qui s’adonnent à cette pratique, ajoutera-t-il, «méritent la peine de mort». Il le dit pour avoir suivi des cas de crimes rituels. Selon lui, un homme a tué son propre neveu pour chercher de l’argent. «Cet homme que je connais est toujours resté pauvre», fait-il savoir.

Un autre fait rapporté par Konan Metty : «A Daoukro, un Monsieur bien connu dans la localité, était venu chercher son neveu. Mais, le jeune a disparu entre Daoukro et Abidjan». L’oncle en question, aux dires des et des autres, est reconnu, là-bas, comme un coupeur de tête. Est-il devenu riche après avoir sacrifié son neveu? «Oui, c’est un homme cossu aujourd’hui», répond notre interlocuteur.

L’Ong « Action pour la protection des droits de l’homme (Adph) » est-elle souvent sollicitée pour ce genre de pratiques. «Pas souvent», rétorque son président, Me Hervé Gouamené, avocat à la Cour. Toutefois, il indique que l’année dernière, sa structure a été saisie pour un cas de crime rituel. Qui serait lié à une affaire de masque, dans un village de l’ouest du pays, où un homme aurait été tué et dont le corps aurait servi pour faire des sacrifices… au masque.  «Ce jour-là, le masque devait faire la sortie dans ce village. Cela a coïncidé avec le passage de cet homme qui est d’un village voisin. Et depuis ce jour, on n’a pas eu de ses nouvelles jusqu’à ce que ses parents apprennent qu’il y a eu un corps qui a été assassiné le jour de la sortie du masque. Et l’on s’est rendu compte que c’était le corps de l’homme en question», raconte Me Hervé Gouamené.

Face à ce drame, quel rôle le président de l’Apdh s’assigne-t-il en tant que défenseur des droits de l’homme? «Notre rôle habituel est d’assurer la défense des victimes des violations des droits de l’homme dans le sens où la vie a été ôtée à un homme. Et nous savons que la vie est le droit fondamental de l’être humain. Donc quand nous sommes saisis, nous essayons dans la mesure du possible, de trouver réparation des victimes. Mais, concrètement, le cas  que nous avons eu l’année dernière, l’essentiel des parents était d’avoir en tous cas accès au corps qui était dans la forêt sacrée dudit village et ensuite demander des réparations villageoises. Nous avons donc entrepris des démarches non seulement pour récupérer le corps mais nous avons voulu initier une procédure en dommages et intérêts qui était encore pendante devant le tribunal de Daloa», explique-t-il.

L’avocat à la Cour qui parle au nom de l’Apdh souligne que quand il est saisi, son équipe et lui «aident les parents à avoir réparation sur le plan pénal et civil également».

Mais là où le bas blesse, c’est que ces auteurs des ces actes ignobles ne sont jamais arrêtés. Selon Me Gouamené, cela est dû au fait que très rarement, on procède à des dénonciations. Il fait remarquer aussi que très souvent, les corps des victimes des crimes rituels sont découverts des jours après, abandonnés à des endroits. Dans ce cas, il est difficile de savoir qui en est l’auteur.

L’avocat à la Cour pense que pour lutter contre ce fléau, il faut d’abord la sensibilisation. «Le crime étant commis pour faire un rituel, on peut faire comprendre aux gens que la vie est fondamentale, sacrée et qu’on ne peut pas ôter la vie à un être humain pour cela», propose-t-il. Il conseille ensuite la répression pénale qui, affirme-t-il, «est un moyen de dissuasion». Le défenseur des droits de l’homme pense qu’au-delà de la sensibilisation, «il faut réprimer rigoureusement les crimes rituels». Cela suppose qu’il faille, dira-t-il, «que les victimes ou leurs parents dénoncent ces faits aux organisations mais aussi aux autorités». Me Gouamené soutient qu’il appartient également aux autorités de la police judiciaire de poursuivre les enquêtes. Pour qu’on puisse identifier les auteurs. Qui, jusque-là, courent, impunément. Alors, si on ne parvient pas à découvrir les auteurs, on dit que ce sont des crimes parfaits. Dommage !

EMMANUEL KOUASSI