mardi 18 septembre 2012

les crimes rituels

DOSSIER SUR LES CRIMES RITUELS.

CRIMES RITUELS : Un phénomène totalement émouvant qui se déroule ici et là en Côte d’Ivoire mais l’on en parle peu ou presque jamais. Et pourtant, ses conséquences sont grandes.

La langue d'un être humain pour faire des sacrifices. Triste réalité.
CES PERSONNES QUI UTILISENT LA LANGUE, LA TÊTE OU LES ONGLES DES MORTS POUR S’ENRICHIR.   

Le crime. En droit, c’est le fait de donner la mort ou d’ôter la vie à quelqu’un. Il est, par conséquent, considéré comme un homicide, un acte prémédité.
Et le crime rituel? C’est un crime qui est commis sur la base d’un certain nombre de pratiques, soit traditionnelles ou religieuses, soit culturelles ou mystiques. Dans tous les cas, le crime rituel, est commis dans le but d’utiliser une partie de l’organe du corps humain, pour des sacrifices ; ou, tout simplement, pour des rituels. C’est, malheureusement, à cette pratique que s’adonnent certaines personnes pour, selon plusieurs interlocuteurs, devenir riches. Leurs principaux conseillers : les marabouts ou féticheurs. A chacun son marabout ou féticheur. Souvent, paradoxalement, ce sont les mêmes. Qui exigent la tête, la langue, le sexe, les ongles…le cœur ou les cheveux de l’être humain, femme comme garçon. Pour préparer la potion…magique. Le plus souvent, les personnes convoitées sont les albinos et les handicapés physiques.
Quelques faits. A Bouaké, le quartier Broukro a été, dans la nuit du lundi 7 au lundi 8 janvier 2002, le théâtre d’un évènement insupportable : Koffi Kouamé Victor, un photographe  handicapé physique, né le 9 juillet 1967, a été tué dans son atelier, sis au 3ème arrêt de Gbaka. Son corps a fut retrouvé quelque temps après, dans une maison inachevée, non loin de l’atelier, les bras sectionnés, le ventre ouvert. Chose curieuse, le cœur n’y était pas.
En octobre 2008, à Abidjan, précisément aux Deux- Plateaux Vallon, un albinos, du nom d’Issa, a été retrouvé mort, sans langue ni sexe. Une autre découverte macabre, cette fois à Abobo Pk 18, courant mars 2009. Le corps sans vie d’un jeune homme, prénommé Dramane. Son cou, sa tête et ses ongles ont été emportés.
Qui sont les auteurs de ces actes d’une extrême gravité. Nous avons décidé de suivre les traces de ces tueurs que certains ont vite fait d’appeler les coupeurs de têtes ou vendeurs d’organes humais.
Nos investigations nous amènent à la police judiciaire (Pj). Notre premier interlocuteur est le Commissaire Téhé. L’officier de police à qui nous exposons le sujet ne semble croire aux crimes rituels. Selon lui, ces faits sont beaucoup plus dans l’imagerie populaire que dans la réalité. Et, avec boutade, il nous dit que son fils lui a dit un jour qu’on tue les gens et on coupe leurs tête, langue et sexe, etc. Et l’officier de police de répondre à son enfant : «Dans ce cas, ne sors pas». Fiats irréels ? Si le sous directeur des enquêtes criminelles, le Commissaire Baï n’a pas, depuis huit mois qu’il est à ce poste, eu à travailler sur un tel dossier, il reconnaît toutefois que ce sont des choses qui se produisent, de façon périodique. Surtout, fait-il remarquer, à la veille des élections.
A la brigade de gendarmerie, aucune trace des coupeurs de tête, de langue, de sexe…
Un homme sauvagement tué par d'ignobles individus .  
Nous poursuivons nos investigations. Direction : Anyama où nous rencontrons, Mlle Sandrine B, grâce à un ami. Après mille et une difficultés, nous avons obtenu d’elle l’explication de sa mésaventure. C’est tout simplement émouvant. Nous sommes en juin 2002. Un soir, son copain, un certain Traoré vint la chercher, en voiture. La jeune fille pensait au plat de poulet Kédjénou ou du poisson braisé qu’elle allait manger. Puisqu’elle n’était pas à sa première sortie avec son gars. Mais ce jour-là, c’était une véritable chausse-trappe. En effet, arrivé à Gesco, à Yopougon, aux environs de 23 heures, au lieu de se diriger dans un maquis, c’est plutôt la route de Dabou que son homme prend. Et Sandrine B de lui demander où il l’amène. Mais l’homme fait la sourde oreille. Avant Songon, Traoré ralentit. Et, il commence à siffloter. Ensuite, il descend de la voiture et s’éloigne un peu d’elle. Sandrine dit qu’elle entendait des chuchotements inquiets. Une seule chose, en ce moment précis, lui restait à faire : prendre la tangente. Ainsi, de sa cachette, dans la broussaille, elle entendait, selon elle, son copain, revenu sur ses pas, discuter, chaudement. «Ah, non ! Tu ne vas pas nous faire cela. On te donne trois millions pour avoir la tête d’une fille et tu es capable d’honorer ton engagement. On va te tuer à la place de cette dernière… », raconte- t- elle, les deux mains tendues vers le ciel, pour remercier Dieu. Car, ayant échappé, à cet assassinat, c’est son copain qui a été assommé. Par ses propres complices qui lui ont coupé, affirme-t-elle, la langue.
Dans un village de Dabou, une source bien introduite nous indique qu’un taximan, braqué, a été tué, ses testicules et le penis emportés.
A Abobo, Patricia K a échappé, en 1996, à une tentative d’assassinat. Une amie à elle, prénommée Florentine, était venue la voir pour lui demander de l’accompagner chez des amis qui l’avaient invitée. Ainsi, de Abobo Sagbé communément appelé «Derrière rail», les deux jeunes filles se retrouvent au quartier Bc, toujours à Abobo. Trois hommes les accueillent et les amènent, selon Patricia K, «dans un coin bizarre». Un véritable coupe-gorge. C’est-à-dire un passage isolé où l’on risque de faire assassiner. A bord d’une Peugeot 205. Présentés par Florentine comme étant des policiers, ces trois hommes n’étaient en réalité, selon elle, que des gens peu recommandables. Intelligente, Patricia a usé de subterfuge pour avoir la vie…sauve. Elle apprendra, plus tard que ces hommes n’étaient que des…coupeurs de tête.
Konan Metty est un cadre de Bouaké, bien connu dans la région. Pour lui, les crimes rituels dont il croit en leur existence, sont à condamner, avec la dernière énergie. Ceux qui s’adonnent à cette pratique, ajoutera-t-il, «méritent la peine de mort». Il le dit pour avoir suivi des cas de crimes rituels. Selon lui, un homme a tué son propre neveu pour chercher de l’argent. «Cet homme que je connais est toujours resté pauvre», fait-il savoir.
Un autre fait rapporté par Konan Metty : «A Daoukro, un Monsieur bien connu dans la localité, était venu chercher son neveu. Mais, le jeune a disparu entre Daoukro et Abidjan». L’oncle en question, aux dires des et des autres, est reconnu, là-bas, comme un coupeur de tête. Est-il devenu riche après avoir sacrifié son neveu? «Oui, c’est un homme cossu aujourd’hui», répond notre interlocuteur.
L’Ong « Action pour la protection des droits de l’homme (Adph) » est-elle souvent sollicitée pour ce genre de pratiques. «Pas souvent», rétorque son président, Me Hervé Gouamené, avocat à la Cour. Toutefois, il indique que l’année dernière, sa structure a été saisie pour un cas de crime rituel. Qui serait lié à une affaire de masque, dans un village de l’ouest du pays, où un homme aurait été tué et dont le corps aurait servi pour faire des sacrifices… au masque.  «Ce jour-là, le masque devait faire la sortie dans ce village. Cela a coïncidé avec le passage de cet homme qui est d’un village voisin. Et depuis ce jour, on n’a pas eu de ses nouvelles jusqu’à ce que ses parents apprennent qu’il y a eu un corps qui a été assassiné le jour de la sortie du masque. Et l’on s’est rendu compte que c’était le corps de l’homme en question», raconte Me Hervé Gouamené.
Face à ce drame, quel rôle le président de l’Apdh s’assigne-t-il en tant que défenseur des droits de l’homme? «Notre rôle habituel est d’assurer la défense des victimes des violations des droits de l’homme dans le sens où la vie a été ôtée à un homme. Et nous savons que la vie est le droit fondamental de l’être humain. Donc quand nous sommes saisis, nous essayons dans la mesure du possible, de trouver réparation des victimes. Mais, concrètement, le cas  que nous avons eu l’année dernière, l’essentiel des parents était d’avoir en tous cas accès au corps qui était dans la forêt sacrée dudit village et ensuite demander des réparations villageoises. Nous avons donc entrepris des démarches non seulement pour récupérer le corps mais nous avons voulu initier une procédure en dommages et intérêts qui était encore pendante devant le tribunal de Daloa», explique-t-il.
L’avocat à la Cour qui parle au nom de l’Apdh souligne que quand il est saisi, son équipe et lui «aident les parents à avoir réparation sur le plan pénal et civil également».
Mais là où le bas blesse, c’est que ces auteurs des ces actes ignobles ne sont jamais arrêtés. Selon Me Gouamené, cela est dû au fait que très rarement, on procède à des dénonciations. Il fait remarquer aussi que très souvent, les corps des victimes des crimes rituels sont découverts des jours après, abandonnés à des endroits. Dans ce cas, il est difficile de savoir qui en est l’auteur.
L’avocat à la Cour pense que pour lutter contre ce fléau, il faut d’abord la sensibilisation. «Le crime étant commis pour faire un rituel, on peut faire comprendre aux gens que la vie est fondamentale, sacrée et qu’on ne peut pas ôter la vie à un être humain pour cela», propose-t-il. Il conseille ensuite la répression pénale qui, affirme-t-il, «est un moyen de dissuasion». Le défenseur des droits de l’homme pense qu’au-delà de la sensibilisation, «il faut réprimer rigoureusement les crimes rituels». Cela suppose qu’il faille, dira-t-il, «que les victimes ou leurs parents dénoncent ces faits aux organisations mais aussi aux autorités». Me Gouamené soutient qu’il appartient également aux autorités de la police judiciaire de poursuivre les enquêtes. Pour qu’on puisse identifier les auteurs. Qui, jusque-là, courent, impunément. Alors, si on ne parvient pas à découvrir les auteurs, on dit que ce sont des crimes parfaits. Dommage !
EMMANUEL KOUASSI                                                                        

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